Après la traduction d’un dépliant ou d’un catalogue, il faut en adapter la mise en page afin de tenir compte des particularités de la langue cible. En quoi la mise en page d’un document traduit est-elle si difficile? L’éditique multilingue est plus complexe que vous ne le pensez. Il ne suffit pas de remplacer dans InDesign le texte anglais original par la traduction.
Certains clients exigent que la traduction compte le même nombre de pages que l’original. Or, à la traduction, il y a des langues qui « prennent de l’expansion », c’est-à-dire qu’elles occupent plus d’espace sur une page. D’autres, comme certaines langues asiatiques, font le contraire. Ainsi, la traduction chinoise d’un dépliant en anglais pourrait avoir l’air fragmentaire (c.-à-d. contenir trop de blancs). C’est ce qui rend la tâche d’éditique si ardue.
Avant d’entreprendre la traduction, il est possible d’effectuer une pseudo-traduction afin de déceler les éventuels problèmes de mise en page. Cet exercice permet de créer une traduction « factice », laquelle reproduit les particularités de la langue cible et donne un aperçu de la taille du document traduit. Grâce à ce procédé, nous pouvons montrer à un client ce qui se produira à la traduction si la langue cible prend de l’expansion ou l’inverse. Par la suite, nous pouvons lui proposer des options de mise en page.
Alors qu’elle travaillait sur la traduction espagnole d’un guide pour un organisme sans but lucratif voué à la santé des femmes, notre équipe d’éditique s’est heurtée à différents problèmes de mise en page liés à l’expansion du texte. Le client n’exigeait pas que le guide en espagnol compte le même nombre de pages que l’original. Il voulait toutefois que certaines informations et images figurent sur des pages bien précises. L’espagnol est de 25 à 30 % plus long que l’anglais. S’il s’était agi d’un projet de traduction numérique, nous aurions pu contourner le problème en utilisant une police de caractères plus petite. Pour un document imprimé, toutefois, ce n’est pas recommandé, car une police trop petite est difficile à lire. En collaboration avec le client, nous avons élaboré un guide de style qui à la fois répondait à ses besoins et proposait des solutions de mise en page. Ce guide a permis à l’équipe d’éditique de répondre aux besoins du client pour d’autres langues cibles (chinois, tagalog, vietnamien) également.
Les langues s’écrivant de droite à gauche comme l’arabe présentent des difficultés qui leur sont propres. Le texte arabe doit être orienté de droite à gauche, et toute la mise en page doit être inversée. Si une série d’images doivent être consultées dans l’ordre, il faut donc les positionner de droite à gauche. Les images elles-mêmes peuvent devoir être localisées. Par exemple, les lecteurs arabes s’attendent à ce que les coches d’une liste de vérification figurent à droite de la page. Il arrive aussi qu’un texte combine à la fois de l’arabe et de l’anglais. Il faut alors un spécialiste en éditique expérimenté pour intégrer des mots anglais dans un texte arabe. Voici un exemple de texte anglais traduit et localisé en arabe afin d’illustrer ces différences.
Un client peut vouloir utiliser la police de caractères officielle de son entreprise pour que ses documents en langue étrangère soient visuellement cohérents avec ses autres publications. Toutefois, il se peut que cette police ne comporte pas les caractères de la langue cible. Dans ce cas, il faut en utiliser une autre.
Lorsqu’une telle situation se présente, nous livrons le projet d’éditique multilingue sous forme de fichiers « vectorisés ». Nous le faisons pour préserver la mise en page, car autrement, si le client ouvre un fichier sur un ordinateur où ne se trouve pas la police appropriée, l’affichage ressemblera à du charabia, ou une autre police sera substituée à la police manquante. Dans les deux cas, la mise en forme du document sera affectée. Pour les langues non latines, nous fournissons toujours une version vectorisée. Cela permet de figer le texte (comme un .pdf) et d’éviter que des polices de substitution ne modifient la mise en page.
À l’instar de l’anglais, certaines langues séparent leurs mots par des espaces, ce qui facilite l’utilisation des sauts de ligne lors de la mise en page. D’autres langues appliquent toutefois des règles différentes à cet égard. Par exemple, l’habillage de texte et les sauts de ligne sont particulièrement complexes dans les dépliants et les modules d’apprentissage en ligne en coréen. Les mots coréens sont composés de blocs de syllabes, chaque bloc comptant deux ou trois caractères. Ils seront incorrectement tronqués si l’on ajoute un saut de ligne entre les mauvais blocs de syllabes. De plus, les différentes règles de syntaxe rendent impossible la traduction littérale d’un texte anglais en coréen. C’est pourquoi il est parfois difficile d’accéder à la demande d’un client qui exige une reproduction à l’identique des pages dans la traduction.
De même, en chinois, un mot peut être composé d’un ou de plusieurs caractères. Si un mot de plusieurs caractères est tronqué à la fin d’une ligne, le sens de toute la phrase peut changer. Même l’utilisateur le plus habile d’InDesign ne peut mettre en page un texte chinois ou coréen sans connaître la langue.
Concilier les préférences de mise en page d’un client avec les particularités d’une langue cible complexifie grandement la tâche d’éditique multilingue. Le gestionnaire de projet doit trouver (et expliquer de manière diplomatique) une solution qui fonctionne pour le client tout en préservant la lisibilité de la traduction. Poser des questions avant de commencer un projet, créer un guide de style fondé sur des solutions éprouvées et anticiper les pièges éventuels sont autant de moyens de se préparer aux imprévus susceptibles de se présenter.